Reviewed by Bruno Rochette, Université de Liège (Bruno.Rochette@ulg.ac.be)
La papyrologie a beaucoup contribué à la connaissance de la lexicographie (grecque, latine, gréco-latine, gréco-copte). Sous la rubrique « glossaires et listes de mots », le fichier Mertens-Pack3 contient pas moins de 75 notices. La découverte des papyrus lexicographiques a permis de se faire une idée du développement progressif de l'hypomnema de l'époque ptolémaïque jusqu'aux manuscrits byzantins avec scholies du Xe au XVe siècle.1 Le nombre de fragments à contenu lexicographique a rendu nécessaire l'élaboration d'un corpus de ces textes. C'est le but poursuivi par le projet Commentaria et Lexica Graeca in Papyris reperta (CLGP), conçu sous l'égide d'Elena Esposito et exposé lors du XXIVe Congrès international de papyrologie à Helsinki en 2004.2 L'ouvrage que voici, qui reprend une matière en partie déjà publiée antérieurement, 3 a un objectif plus limité. Il propose une présentation de problèmes ponctuels relatifs soit aux plus anciens lexiques sur papyrus, comme l'alphabétisation des lemmes ou la conservation des matériaux dans les compilations successives (chap. 1), soit aux rapports entre l'exégèse linguistique que l'on peut retrouver grâce aux hypomnemata sur papyrus, l'autre grand produit de l'érudition antique, et la lexicographie (chap. 2). L'ouvrage contient la réédition de trois papyrus représentatifs de ces questions,4 le premier d'époque ptolémaïque (chap. 1), les deux autres d'époque romaine (chap. 2). (1) Édité par G. Poethke,5 le P. Berol. Inv. 99656 (Abusir el-Melek ; III/IIa ; 125 × 135 cm) est un fragment de lexique contenant, au recto, des restes de trois colonnes d'une liste de mots commençant par βη-, βι-, βλ-, βο- avec une brève traduction. Il s'agit d'un des plus anciens témoins de papyrus lexicographiques. Dans la colonne I, on peut lire les lettres finales de douze lignes, dans la colonne II, la mieux conservée, seize lignes sont lisibles, tandis que la colonne III contient le début de onze lignes. Empruntés à Homère, aux tragiques et à la poésie hellénistique, les mots suivent l'ordre alphabétique, limité aux deux premières lettres. On y trouve des mots dialectaux qui ne sont pas attestés ailleurs. À une seule exception près, toutes les entrées sont presque semblables à celles que l'on trouve dans le lexique d'Hésychios. (2) Conservé à la Chester Beatty Library de Dublin, le P. Merton II 557 (? ; IIp ; 42 x 78 cm) est un fragment de rouleau qui contient, au recto, le début de quinze lignes d'un travail qui pourrait être identifié comme un lexique étymologique. Le texte contient des références à la fête des Scirophories athéniennes et traite en particulier du sens de σκιάδειον (« ombrelle »). Les premiers éditeurs ont émis l'hypothèse qu'il pourrait s'agir d'un fragment d'une œuvre de Lysimachides, Περὶ τῶν Ἀθήνησι μηνῶν, dont parle Harpocration (σ 29 Keaney). Plus récemment, des affinités entre le fragment et une scholie à Aristophane (Eccl. 18) ont permis à C.D. De Luca de suggérer l'appartenance du papyrus à un hypomnema à Aristophane d'excellent niveau.8 (3) Publié par E. Lobel en 1967, le P. Oxy. XXXII 26379 (Oxyrhynchus ; Iex /1e moitié IIp ; 39 fragments) présente un commentaire aux poètes lyriques. Outre des références certaines à Sappho, Ibicos et Pindare, le papyrus contient des citations poétiques adespota. Le fragment est aussi riche en renvois à de nombreuses auctoritates, des historiens, comme Douris de Samos, mais aussi des érudits et des grammairiens. La plaquette est pourvue de trois appendices, dont le premier est repris de la publication antérieure. (1) Ἀθηναῖοι / Ἀττικοί dans la lexicographie : exemples tirés d'Athénée, Hésychios, Phrynicos, Pollux, Synagogé, Lex. Rhet.. (2) P. Oxy. ΧV 180410 (Oxyrhynchus; IIIp ; 91 x 35 cm [frag. I], 84 x 95 cm [II], 49 x 102 cm [III], 139 x 155 cm [IV], 19 x 30 cm [V], 32 x 37 cm [VI], 15 x 52 cm [VII], 8 X 10 cm [VIII]) : il s'agit de huit fragments d'un lexique écrit au recto d'un rouleau contenant peut-être des fragments du lexique de Valerius Diodorus, selon une hypothèse de K. Alpers.11 Les lemmes ne sont pas arrangés alphabétiquement au-delà de la première lettre. Beaucoup de mots apparaissent aussi chez Harpocration, mais une plus grande affinité avec les Λέξεις ῥητορικαί Seguerianae (ed. Bekker Anecd. I [1814] 197-318) peut être déterminée. Il y a aussi un certain nombre de parallèles chez Photios et dans les Etymologica. (3) Aretas, le Coisl. 345 et le manuscrit Genova, Urbani 29. Les marginalia dans le manuscrit Urbani 29 constituent un témoignage intéressant sur la circulation dans la Constantinople du Xe siècle de matériaux lexicographiques. L'ouvrage comporte une bibliographie et un index.
Notes:
1. M. Naoumides, Greek Lexicography in the Papyri, diss. Urbana (Illinois) et The Fragments of Greek Lexicography, in Classical Studies Presented to B.E. Perry, Urbana, 1969, p. 181-202.
2. E. Esposito, Lessici antichi su papiro. Il progetto Commentaria et Lexica Graeca in Papyris reperta (CLGP), in J. Frösén-T. Purola-E. Salmenkivi (eds), Proceedings of the XXIVth International Congress of Papyrology, Helsinki, 1-7 August, 2004, I (Helsinki, 2007), p. 279-290 (Commentationes Humanarum Litterarum, 122).
3. G. Ucciardello, Esegesi linguistica, glosse ed « interpretamenta » tra « hypomnemata » e lessici : materiali e spunti di reflessione, in G. Avezzù-P. Scattolin (a cura di), I Classici greci e i loro commentatori. Dai papiri ai marginalia rinascimentali. Atti del convegno, Rovereto, 22 ottobre 2006, Rovereto, 2006 [2007], p. 35-83.
4. Les textes (1) et (3) sont repris de la publication antérieure [cf. n. 3] avec quelques modifications et mises à jour.
5. First edited by G. Poethke, Fragment einer alphabetisch geordneten Wörterliste (P. Berol. 9965) , AFP, 39 (1993), p. 17-20.
6. Mertens-Pack3 2121.01.
7. Mertens-Pack3 2130.
8. C.D. De Luca, Per una nuova interpretazione della testimonianza su Apollodoro di Acarne nel PMert II 55, PapLup 10 (2001), p. 209-216.
9. Mertens-Pack3 1949.3.
10. Cf. n. 3.
11. K. Alpers, Das attizistische Lexikon des Oros. Untersuchung und kritische Ausgabe der Fragmente, Berlin; New York, 1981 (SGLG, 4), p. 121-123.
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