Reviewed by Thibaut Castelli, Université de Reims (thibaut.castelli@ac-reims.fr)
Cet ouvrage est le premier livre concernant la nécropole d'Apollonia du Pont publié dans une langue autre que le bulgare. Il fournit ainsi une première étude sur un secteur d'une nécropole pontique assez largement fouillée, mais dont les résultats sont peu connus des non-bulgarophones. Il met à disposition des chercheurs un riche matériel, qui inclut la céramique commune, fort peu étudiée jusqu'ici, et non pas seulement les « beaux vases ». Le livre contient les résultats du travail mené en 2007 par une équipe d'archéologues de l'université de Gand dirigée par Roald Docter. L'équipe belge a participé durant quinze jours aux fouilles de sauvetage d'un petit secteur de la nécropole d'Apollonia du Pont aux côtés des fouilleurs bulgares dirigés par Kristina Panayotova. L'ouvrage se concentre sur la description et l'interprétation des structures découvertes, ainsi que de 5388 fragments, majoritairement céramiques, dont 339 éléments sont publiés et illustrés par des dessins et parfois par des photos. L'ensemble date du Ve au III e siècle avant J.-C. Cet ouvrage ne constitue, cependant, pour les auteurs eux-mêmes qu'un recueil de remarques préliminaires précédant l'examen plus approfondi des artefacts. Le livre est organisé en huit chapitres, dont cinq, qui jouent un rôle central, sont consacrés à la publication des différentes catégories d'objets découverts. Une bibliographie est présente à la fin de chaque chapitre. On trouve à la fin de l'ouvrage un tableau de concordance entre le catalogue des découvertes et les numéros d'inventaire des objets. Dans le premier chapitre, Kristina Panayotova replace les fouilles de ce secteur dans le cadre plus général des travaux accomplis dans les nécropoles d'Apollonia où ont été découvertes depuis plus d'un siècle près de 2200 tombes. La nécropole, située à Kalfata/Budjaka au sud d'Apollonia, le long de la mer, a été utilisée du milieu du Ve au début du II e siècle avant J.-C. Ce chapitre richement illustré présente succinctement les rites et le mobilier funéraires tels qu'ils sont connus par les fouilles. Dans le chapitre suivant, Lieve Donnellan présente les structures fouillées par l'équipe gantoise à Kalfata/Budjaka : une tombe à ciste datée, grâce à deux lécythes, entre 375 et 350, une tombe à fosse datée grâce à un autre lécythe entre 350 et 325 et une seconde tombe à fosse datée, grâce à deux lécythes, entre 375 et 350. Dans ces trois tombes ont été retrouvés des restes humains. Six dépôts funéraires de céramique datés du Ve au IIIe siècle ont été retrouvés, sans pouvoir être associés à une tombe précise. Une krépis orientée NE/SO pourrait marquer la limite occidentale de cet ensemble de tombes. Dans cette krépis, on a trouvé des fragments céramiques et osseux. Au nord de la krépis, il semble y avoir une décharge constituée d'une concentration de débris céramiques, d'os et de pierres. Ces fragments céramiques sont l'objet d'étude principal des auteurs. On peut regretter qu'ils ne tirent pas davantage de conclusions de l'examen des structures fouillées. Babette Bechtold et Roald Docter publient ensuite 181 fragments de céramiques communes et de cuisine, en faisant usage d'une typologie qui leur permet de proposer des datations par comparaison avec d'autres céramiques trouvées notamment à Athènes et Isthmia et, parfois, à Apollonia. La plupart de ces fragments sont datés entre la seconde moitié du Ve et le IIIe siècle. Une très large majorité de ces vaisselles réalisées à partir de deux types de pâtes (grise et rouge) – ont été attribuées à des fabricants locaux. Il faut saluer l'effort important de publication et d'identification de ces fragments de céramique commune qui ont longtemps été laissés de côté par les fouilleurs. On peut regretter, cependant, dans cette étude préliminaire, l'absence d'une comparaison avec d'autres sites de la mer Noire, qui pourrait permettre de préciser les datations des vases. Comme le soulignent les auteurs, le profil céramique d'Apollonia présente certaines spécificités, comme la plus grande popularité des chytrai par rapport aux lopades, l'inverse de la situation d'Athènes à la même époque. Pour des études ultérieures, les auteurs devraient prendre en compte davantage les spécificités pontiques, en termes de type, de chronologie et de diffusion, de ces céramiques communes. Jan de Boer publie, dans le quatrième chapitre, des fragments provenant de 41 amphores de transport. Il en date la plupart entre le milieu du IVe et le début du IIIe siècle. Ainsi, sont notamment publiés un timbre amphorique d'Héraclée du magistrat Herakleides II daté entre 350 et 320 et des fragments de neuf amphores de la même cité, des fragments de six amphores thasiennes, de quatre amphores rhodiennes, de quatre amphores de Mendè, d'une amphore de Chersonèse et d'une amphore de Sinope. On retiendra surtout de ce chapitre l'attribution à une production apolloniate des fragments de neuf amphores. Les auteurs justifient cette interprétation par la similarité d'aspect avec la pâte des céramiques communes attribuées aux ateliers locaux. Pour la plupart, elles ressemblent à des amphores d'Héraclée et seraient le résultat de l'installation à Apollonia de potiers héracléotes. Il faut ici rappeler le débat concernant l'attribution des amphores dites à timbre englyphique. La grande majorité des amphorologues attribue depuis longtemps cette catégorie d'amphores à Héraclée du Pont.1 L'archéologue bulgare Petar Balabanov s'appuyant sur la découverte de nombreux timbres de ce type près d'Apollonia considère, à l'inverse, que les amphores à timbre englyphique sont produites dans cette cité.2 Les auteurs prennent donc un parti en quelque sorte intermédiaire en affirmant la présence, à côté des amphores produites à Héraclée (il s'agirait notamment d'amphores timbrées), d'une catégorie d'amphores attribuables à Apollonia. Cette hypothèse nécessite, comme les auteurs le reconnaissent eux-mêmes, d'être plus sérieusement étayée par des éléments supplémentaires comme des analyses physico-chimiques des pâtes. Babette Bechtold et Roald Docter publient, dans le cinquième chapitre, 70 fragments de céramiques à vernis noir, peintes et à engobe rouge. Il s'agit pour l'essentiel de produits importés, principalement d'Attique mais aussi d'autres centres producteurs non identifiés. Les produits identifiés comme apolloniates sont peu nombreux. La plupart de ces céramiques ont été réalisées entre la fin du Ve et le IIIe siècle. Il faut noter à ce propos que d'autres cités de la mer Noire ont eu aussi leur production locale de céramiques vernies, peintes et à engobe comme à Kallatis et Istros où il existe une production de céramiques à vernis noir.3 Des analyses physico-chimiques des pâtes permettraient sans doute aux auteurs de réévaluer à la baisse la part des importations céramiques dans cette catégorie de céramique. Winfred van de Put présente, dans le sixième chapitre, 26 vases athéniens, dont la majorité à figure rouge. Il s'agit notamment de lécythes, mais aussi d'une kylix et d'un cratère à colonne. Il date les céramiques trouvées dans ces tombes du milieu du IVe siècle, tandis qu'entre les tombes les fragments dateraient du Ve siècle. Le lécythe no. 300 pourrait ne pas être attique comme l'auteur l'affirme, étant donné la pâte plus claire et le vernis de mauvaise qualité visibles sur les photographies. Roald Docter présente enfin différents types d'objets (tuiles, statuettes…), plus difficiles à classer. L'auteur note la présence assez inhabituelle à Apollonia en contexte funéraire de quatre pesons pour filets de pêche et métiers à tisser et d'un fragment de meule en basalte. Dans les conclusions, Roald Docter revient sur différents points : l'absence de vaisselle liée à la préparation culinaire dans les dépôts funéraires, la fragmentation importante des vestiges céramiques et osseux en dehors des tombes et les destructions rituelles des vases. La fragmentation est attribuée à diverses activités autour de ces tombes : la destruction d'anciennes tombes par la réalisation de nouvelles fosses et également les visites faites aux tombes, notamment pour préparer des repas communs, les perideipna. Les destructions rituelles de vases sont obtenues par percement de la base ou par cassure du col des lécythes ou du pied des amphores. Par exemple, près de 70% des vases relativement intacts présentent un percement du fond. L'auteur précise la chronologie des différents ensembles, les tombes, les dépôts et les groupes céramiques épars. Si on compare avec ce qui est connu des autres secteurs de la nécropole, notamment par la publication des fouilles franco-bulgares, on retrouve les mêmes phénomènes.4 Cependant, il semble que dans le reste de la nécropole les anciennes tombes n'aient pas été perturbées par les tombes plus récentes. Cet ouvrage est remarquable par l'attention portée aux fragments retrouvés hors des tombes, attention plutôt rare, même pour des fouilles récentes. Ce point explique la brièveté des descriptions consacrées aux tombes en elles-mêmes, que certains pourront regretter. Même si quelques points sont discutables et pourront être améliorés dans la publication définitive de ces fouilles belges, il faut souligner l'effort de publication qui permet de mettre à disposition rapidement les résultats des fouilles (la première édition de l'ouvrage date de 2008) pour la communauté scientifique.
The Necropolis of Apollonia Pontica in the Kalfata/Budjaka Locality (Kristina Panayotova)
The excavation of Squares C7, D7 and E7 (Lieve Donnellan)
Preliminary Observations on the Plain and Cooking Ware Fragments (Babette Bechtold, Roald Docter)
Preliminary Observations on the Greek Transport Amphorae (Jan de Boer)
Preliminary Observations on the Black Glazed, Painted and Red Slipped Ware Fragments (Babette Bechtold, Roald Docter)
Preliminary Observations on the Attic Figured and Related Wares (Winfred van de Put)
Varia (Roald Docter)
Concluding Remarks on the Finds Assemblage of Squares C7, D7 and E7 (Roald Docter)
Index of Inventory and Catalogue Numbers (Roald Docter)
Notes:
1. Yvon Garlan, « Les graveurs des timbres amphoriques d'Héraclée pontique », in A. Avram, V. Lungu, M. Neagu (éd.), ΦΙΛΙΑΣ ΧΑΡΙΝ. Mélanges à la mémoire de Niculae Conovici, Călăraşi, 2008, p. 71-72.
2. Petar Balabanov, « The Origin of Amphorae with Englyphic Stamps », Dominique Kassab Tezgör et Nino Inaishvili (éd.), Production and Trade of Amphorae in the Black Sea, Istanbul, Paris, 2010, p. 19-22.
3. Pierre Dupont, « Recherches de laboratoire sur les productions céramiques du Pont Ouest et Nord-Ouest : état de la question », Il Mar Nero, VI, 2004-2006, p. 59-66.
4. Antoine Hermary (éd.), Apollonia du Pont (Sozopol) la nécropole de Kalfata (Ve-IIIe s. av. J.-C.) fouilles franco-bulgares (2002-2004), Paris, 2010.
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