Fikret Yegül, Bathing in the Roman World. Cambridge/New York: Cambridge University Press, 2010. Pp. xiii, 256. ISBN 9780521549622. $28.99 (pb).
Reviewed by Roger Hanoune, Université de Lille 3
Fikret Yegül donne ici un livre de synthèse sur les bains romains, qui n'est pas un simple abrégé de son précédent ouvrage (Baths and Bathing in Classical Antiquity, 1992, 1995) et qui peut désormais remplacer une introduction comme celle de E. Brödner (Die römischen Thermen und das antike Badewesen, 1983). Cet ouvrage, clair, bien illustré, s'appuie sur toute la science de son auteur, spécialiste reconnu du sujet, qui a un contact direct tout spécial avec les constructions d'Asie Mineure, et qui est compétent aussi bien du point de vue architectural et archéologique (voir par exemple ses travaux sur Sardes) que du point de vue littéraire et anthropologique (voir sa belle étude du texte de Lucien, Hippias, en 1979). Le livre offre même plus que le titre ne l'annonce puisque on y trouve des développements sur les hammams de la période islamique, les étuves médiévales, et des reproductions d'oeuvres d'Alma Tadema au début et d'Ingres ou Gérôme à la fin. Certes le petit format du livre et ses 250 pages et ses 103 figures n'ont pas permis de présenter une somme ou des travaux de première main (Krencker 1929 est resté inégalé) mais c'est une excellente introduction au sujet, rédigé souvent d'un style enjoué (voir ainsi p. 131 le récit de la visite de l'auteur à Las Vegas). L'ouvrage, clairement écrit, se lit le plus souvent sans problème : se succèdent avec simplicité les chapitres techniques (chap. 3, 6), historiques (chap. 5, 10, 11 : les réalisations pré-romaines sont expédiées), géographiques, de l'Italie à l'Afrique du Nord et à l'Orient (chap. 5, 7, 8, et 9-10). Les 50 pages consacrées à l'Asie Mineure et au Proche Orient constituent le plat de résistance de tout l'ouvrage, tandis que l'Europe, en dehors de l'Italie, est très négligée (les ouvrages de Brouet sont ignorés). Enfin le livre s'ouvre et se ferme sur des développements anthropologiques (chap. 2 et 4, par exemple sur la mixité et la nudité, et 11-12 sur les idées chrétiennes opposées à la culture du corps, sur ce qui est assez pompeusement appelé « changements de paradigme », et sur les conceptions médiévales ou modernes de la propreté (un peu dans l'esprit des travaux de N. Elias, qui n'est pas cité). Rien dans ce développement n'est erroné ; bien au contraire même les spécialistes trouveront toujours à glaner des indications intéressantes ou des suggestions nouvelles : par exemple des textes révélateurs mais trop négligés comme celui des Hermeneumata Ps. Dositheana (p. 4) ou l'inscription du Trastevere CIL V, 579. Mais bien des exposés peuvent susciter le débat : car comment peut-on aboutir à des formules générales qui rendraient compte aussi bien de bains voués à l'hygiène d'un petit groupe local de gens pauvres que de bâtiments de prestige aux immenses palestres dans une capitale provinciale, de thermes archaïques que de réalisations du Bas-Empire, etc... ? Aussi les notions typologiques de « bath-gymnasium complex » ou de « hall-type » n'emportent pas toujours l'adhésion : par exemple, l'ensemble bain-gymnase est parfois une illusion-- comme à Milet, où les thermes de Vergilius Capito et le gymnase ne communiquent pas (p. 159), ou, à propos du « hall-type » cilicien (p. 174), la salle centrale est bien proche du frigidarium que l'on attend ici. L'auteur lui-même évoque d'ailleurs la « porosité » des programmes (p. 158) : nous pourrions dire le flou de ces catégories. Ailleurs on peut n'être pas convaincu par les relations qui sont parfois établies entre décors de bains et leurs fonctions sociales, ou leurs commenditaires (par exemple les décors de chasse dans les petits « Hunting Baths » de Lepcis Magna attribués à une association de « merchant-hunters » p. 150, ou les insignes d'associations de professionnels de l'amphithéâtre dans les thermes de Julia Memmia p. 145, qui n'étaient pas visibles). Ailleurs enfin on regrette que l'auteur n'ait pas exploité mieux le recueil fondamental de textes sur les bains de Fagan, ou qu'il ait vraiment exclu le monumental ouvrage de Thébert sur les Thermes romains d'Afrique du Nord (2003), qui n'est même pas cité (tandis que pour les thermes de Julia Memmia à Bulla Regia en Tunisie, il se réfère à un vieil article de Carton datant de 1915 et non à la grosse publication récente de Broise et Thébert). L'ouvrage reste néanmoins instructif et de grande valeur ; mais il est dommage que sa lecture soit parfois compliquée par certains défauts de forme : ainsi des descriptions d'établissements qui ne sont pas appuyées sur des plans deviennent obscures, tandis que, lorsqu'il y a des plans, les désignations des salles par des lettres ou des chiffres ne sont pas toujours utilisées dans le texte (si on peut penser que F, T, C , P désignent frigidarium, tepidarium, caldarium, palaestra, beaucoup d'autres indications sont absconses). Enfin il faut déplorer les négligences éditoriales qui déparent un bon livre (des coquilles dans les langues modernes : p. 20 « sand » pour « and » ; p. 31 fig. 8 « masssimo », etc…, et surtout en latin : p. 48 « Scriptora Historiae Augustae » pour « scriptores » ; p. 25 « balneum » comme singulier de « balneae » ; « parientibus » pour « parietibus » p. 121 ; « collegia iuventum » pour « iuvenum » p. 156 ; « paiaeia » p. 158 pour « paideia » ; et même« Phyrigia » pour « Phrygia » p. 158 ; p. 214 « Factotum ad Dictorum …» pour « Factorum ac dictorum… »).
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