Saturday, December 20, 2008

2008.12.29

D. C. A. Hillman, The Chemical Muse: Drug Use and the Roots of Western Civilization. New York: Thomas Dunne Books, St. Martin's Press, 2008. Pp. 243. ISBN 9780312352493. $24.95.
Reviewed by Philippe Charlier, Hôpital Raymond Poincaré, Garches, France (ph_charlier@yahoo.fr)

Ce livre ne plaira pas aux universitaires. D'abord parce que l'auteur, médecin, y règle des comptes vis-à-vis de son jury de PhD et taxe de fanatisme conservateur ceux qui n'ont pas suivi ses hypothèses; ensuite parce que l'auteur demande beaucoup trop à son sujet et lui fait dire plus que de raison.

Certes, il apparaît légitime de repenser la place de l'emploi des toxiques et notamment des substances psycho-actives dans les populations du passé, à commencer par l'Antiquité gréco-romaine, mais de là à vouloir en faire un produit de consommation courante voire quasi-systématique est véritablement excessif... On ne peut pas transformer aussi facilement une civilisation en une population de toxicomanes!

En outre, demander aux drogues d'expliquer le développement de la démocratie athénienne (!) est, pour le moins, bien poussif: "how did drug use affect the development of Greek ideas about humanity's place in the universe (...). I look at the fruit of the drug-influenced psyche... which is none other than democracy itself" (page 6).

On verra que l'arrogance et l'amateurisme de cet auteur sont deux arguments chacun suffisants pour déconseiller l'achat de cet ouvrage, véritable accumulation d'affirmations sans analyse critique. D'ailleurs, lorsqu'il est fait mention, dans la mini-biographie de l'auteur, que "His research has been published in the academic journal Pharmacy in History", précisons que cette présentation est bien fallacieuse car l'auteur n'a signé qu'un article dans Pharmacy in History intéressant un pan très précis et très limité de ses recherches: Hillman D.C. "The salamander as a drug in Nicander's writings", Pharm. Hist. 2001; 43 (2-3): 93-96.

Dans le chapitre 1, l'auteur propose un tableau infernal de l'Antiquité gréco-romaine (mais à quelle période exactement? en quel lieu exactement? il ne le dit pas...), arguant que la vie quotidienne était si dure et insupportable qu'elle justifiait l'emploi courant de drogues pour soulager l'esprit et l'existence. Si, au moins, il se fondait sur des données fiables, notamment paléopathologiques (paléo-toxicologiques), son discours pourrait éventuellement être recevable; hélas.

Ce chapitre débute par un poncif éculé à force d'avoir été mille fois rebattu malgré son évident caractère erroné. En voici quelques exemples, qui irritent bien plus qu'ils ne font sourire: "Two thousands years ago, life was nothing less than an endless struggle for survival (...) the ancient world was very much a place of overwhelming anguish (...) men and women died a thousand preventable deaths in antiquity, where existence was oftentimes a sorrowful tragedy, a pityful farce that opened with a chorus of grieving mothers and closed with the entire cast's premature exit (...)". On regrettera notamment l'absence de données paléodémographiques lorsque l'auteur évoque la mortalité prématurée des populations du passé (page 11). D'autre part, coller bout à bout les catastrophes de Pompéi et Santorin ne suffit pas à généraliser l'impact des catastrophes naturelles sur la démographie antique, et encore moins à justifier l'usage de drogues pour oublier ces drames (page 12).

Mais sur quelles données bibliographiques et sur quelles sources Hillman se fonde-t-il pour dresser un tableau si pitoyable des populations anciennes (maisons n'ayant de cesse de s'écrouler, famines et épidémies permanentes, territoires entiers infestés de serpents venimeux ou de chiens enragés ...)? Puisque le monde antique était si invivable, comment se fait-il que l'Homme soit encore sur Terre? Il eut été souhaitable que Hillman, qui cite Grmek sans le comprendre, ait eu connaissance de la notion de pathocénose où s'intriquent, en un même lieu, diverses entités pathologiques pour aboutir à un relatif état d'équilibre où l'Homme trouve sa place.

Comparer les pertes humaines de la bataille de Cannes et de la guerre du Viêt-Nam (page 28) est, non seulement d'un anachronisme irrattrapable, mais également une grave erreur méthodologique: d'une part, le chiffre des 70000 morts romains est particulièrement superfétatoire et sujet à commentaires; d'autre part, le recrutement des soldats, de même que l'incidence des pertes vis-à-vis de la démographie de la nation sont radicalement différents.

D'une façon généralisée, l'auteur est caractérisé par une vision proprement archaïque de l'Antiquité, loin des publications récentes; ignorant les travaux de Paul Veyne sur la gladiature, Hillman écrit: "The violence of the arena was never simulated. It was real. When gladiators tried to chop each other to bits, they weren't faking it. The Romans watched men kill each other and cheered" (page 31).

Dans le chapitre 2 consacré à l'utilisation des drogues (au sens général du terme) en médecine antique, l'auteur ne fait strictement aucune différence entre les différentes médecines: asclépienne, hippocratique, magique, traditionnelle, exotique, etc. Tout est mêlé dans un insondable charabia ponctué d'arguments spécieux. La pratique autopsique antique est décrite d'une façon plus que péremptoire et succincte (page 38).

Toujours dans ce même chapitre, l'auteur transforme Virgile en junkie pour la seule raison que du pavot pousse dans son jardin, décrit en substance dans son oeuvre poétique (page 45): Hillman oublie toute la différence qu'il peut y avoir entre des plantes d'agrément (appréciées pour des raisons botaniques purement esthétiques) et une culture de plantes aux vertus toxiques dans un but de consommation...

Page 49, il évoque les décès liés aux gangrènes sans rapporter l'existence d'amputations thérapeutiques (et notamment le cas paléopathologique romain impérial d'Isola Sacra), et explique l'exposition des enfants comme leur abandon dans des zones inhabitées alors que, justement, c'est dans des zones de passage qu'ils étaient déposés: agora, forum, entrée des sanctuaires, fontaines, etc.

Page 50, il écrit: "Soranus wrote an extensive treatrise on gynecology, the only one of its kind to survive"... Hillman a-t-il seulement connaissance du traité hippocratique Maladies des femmes, par exemple?

Page 51, il rapporte l'usage en pharmacopée antique du castoréum, mais, se laçant dans des explications abracadabrantesques physiologiques, il ne voit pas le caractère magique ou symbolique de certains ingrédients. La matière médicale n'est en effet pas constituée que de principes actifs biologiquement; d'autres sont simplement suggestifs.

Page 54, Hillman énonce un énième poncif: "Without botanical drugs, medicine in Greece and Rome would have been largely ineffective, and ancient life would have been far more unbearable". Pas de médecine, même primitive, sans usage des simples. Ceci est commun à toutes les civilisations, et c'est loin d'être une découverte.

Un des principaux écueils de Hillman est sa surinterprétation. Persuadé de la véracité de son idée (une toxicomanie de loisir largement pratiquée par les populations gréco-romaines), l'auteur est victime de cristallisation stendhalienne: chaque occurrence d'une plante à caractère psycho-actif est synonyme d'un emploi comme drogue, mais il balaie systématiquement les emplois thérapeutiques ou dans des contextes religieux (par exemple page 67 avec l'opium chez Athénée). Collant systématiquement ses connaissances biochimiques et toxicologiques sur les espèces botaniques antiques, Hillman trouve dans presque chaque plante des principes actifs prouvant, pour lui, l'utilisation de ces végétaux dans un but de toxicomanie; mais n'oublie-t-il pas la notion de dose, de quantité suffisante pour l'apparition des symptômes? Cette vision unilatérale et uniforme des moyens d'accès aux paradis artificiels dessert considérablement l'objectivité de son texte et ruine sa thèse de départ.

En général, l'emploi du terme vraisemblablement ou certainement doit effrayer le lecteur, surtout lorsqu'il n'est pas suivi d'une note bibliographique ou d'une explication convaincante. On en a un exemple caricatural page 78, où Hillman annonce, de but en blanç "They took their narcotics with them to the limits of their frontiers, where these medical and recreational substances undoubtedly served to distract the soldiers who served to secure the borders of Roman power"... N'est-ce pas un peu exagéré voire ahurissant de dresser un tel tableau, d'imaginer, sans aucune preuve, les soldats romains campés sur le limes trompant leur ennui en ingurgitant des hallucinogènes? Les commentaires de livres pour Bryn Mawr Classical Review sont limités à 2 ou 3 pages, et je n'en suis ici qu'à la page 87 sur 243. Je me bornerai donc à des commentaires plus généraux sur le reste de cet ouvrage.

Dans le chapitre 4, l'auteur donne une vision toute personnelle de ce qu'il appelle la narco-mythologie: il établit un rapport oiseux entre l'ambroisie et les narcotiques, faisant dire aux textes ce qu'ils ne veulent absolument pas dire (pages 91-94). Il se lance ensuite dans un parallèle édifiant entre le supplice de Prométhée et la crucifixion du Christ qui n'a strictement rien à faire dans ce récit. On s'attend alors, le sourire aux lèvres (un sourire nerveux), à ce que Hillman nous apprenne que Prométhée n'a pas volé le feu, mais les drogues aux Dieux, mais non. Il préfère tenter des rapprochements très discutables entre la "drug of Prometheus" tirée d'une plante inconnue du Caucase, et l'opium (pages 100-101). De toutes façons, lorsque Hillman n'arrive pas à identifier précisément le toxique en question dans ses sources anciennes, il s'agit presque exclusivement (selon lui) de l'opium lorsqu'il existe des vertus apaisantes. Bizarre... comme si ce toxique était le seul à posséder ces propriétés...

Puis, sur sa lancée, l'auteur s'attaque à l'encens brûlé sur l'autel du Dieu d'Israël dans l'Exode (pages 104) et même à l'ivresse de Polyphème dans l'Odyssée, osant écrire que cet état second n'est pas d'origine alcoolique (intoxication alcoolique aiguë chez cet être barbare et monstrueux qui ne coupe pas le vin) mais toxicomaniaque!

Peut-on d'ailleurs se fonder sur des textes poétiques, certains considérablement remaniés au cours du temps, pour arguer d'une consommation diffuse et incontrôlée de substances toxiques dans les populations antiques?

Dans le chapitre 5, Hillman s'attaque aux liens étroits reliant pratiques magiques (sorcellerie) et prises de toxiques. Il fonde le début de son discours sur une lecture de quelques papyrus magiques grecs allant dans le sens de sa thèse, croyant écrire au passage quelque chose de très profond mais qui avait déjà été mis en lumière bien avant lui: certains textes de papyrus magiques grecs prennent la forme de véritables prescriptions médicales comparables à des extraits de Dioscoride, Celse ou Galien (pages 120-121).

Il es dommage qu'Hillman s'éloigne à nouveau de la réalité en partant dans un long développement sur la sorcière Médée, car dans les fables et mythes, l'auteur cherche de façon inconsidérée les justifications de son postulat: mais ce parallèle entre littérature et vie quotidienne est-il réaliste? Quel dommage qu'il s'éloigne du réel pour retourner au mythe (pages 126-127)! Lorsque, quelques pages plus loin, il s'attaque à Circé (pages 131-132), on comprend qu'il cherche peut-être dans cette direction parce qu'il est à court d'arguments... Et lorsqu'il écrit, en conclusion de ce chapitre, "This puts a serious disadvantage when we try to translate and interpret any document written by the Greeks and Romans; we often see the big picture but fall short of the fine nuances created by antiquity's union of drugs and sorcery", on pense immédiatement que ce livre ne nous y aide pas.

Le chapitre 6 s'ouvre sur un nouveau débordement de fiel et sur l'aigreur à peine latente de Hillman. Que sont lassantes ces attaques incessantes sur le Classical scholarship (page 138). Et comme sont tout autant lassantes ces exagérations rhétoriques de mauvais goût: "Imagine how our views of the past would change if we knew that Plato enjoyed using psychedelics as a devotee of certain mystery religions, or that Alexander drank opium at his rowdy banquets, or that Julius Caesar smoked weed while preparing to cross the Rubicon, or that Jesus and his apostles were fond of eating mind-altering mushrooms as they gathered in the Garden of Gethsemane to talk about crazy concepts like loving one's enemy and allowing prostitutes to practice their craft unimpeded" (page 138).

Quelle désespérance, à nouveau, dans ses affirmations non fondées, quelques pages plus loin: "Drugs were probably an inseparable part of epic recitation itself. Based on evidence taken from the Odyssey, it appears that Homeric audiences used narcotics while listening to the tales sung by their ancient bards" (page 145). Cette preuve, c'est uniquement le fait qu'Hélène mélange des herbes (nepenthe) au vin qu'elle offre aux invités tandis qu'ils écoutent les récits des héros. N'est-ce pas un peu court pour en faire une affirmation si généralisée? Il faut dire qu'avec des certainly, probably, undoubtedly, l'auteur se permet à peu près tout... Mais une tournure de phrase ne suffit pas à poser des faits tangibles.

Même exemple grossier avec Ovide, présenté comme un toxicomane invétéré dans son exil de Tomis, de même que Virgile: "Virgil was not the only great Roman author to exploit his audience's understanding of drugs. Ovid, a distinguished poet who wrote amorous pursuits and incredible transformations, also relied upon the theme of intoxication in his works. In fact, there is sufficient evidence to show that Ovid probably used drugs himself" (page 151). Bien entendu, les explications qui suivent se révèlent bien peu convaincantes et à nouveau jonchées de phrases laconiques de très mauvais goût, comme, par exemple: "Augustus Caesar (...) a bold but somewhat simple man whose reign was characterized by the methodic emasculation of the Roman Senate" (page 152) ou encore: "Ovid may have tried to use sexual stimulants on himself. It certainly seems that he was suspiciously familiar with their use. After all, no love poet worth his salt could afford not to be in his day" (page 158). On ne saisit pas très bien l'idée qui sous-tend cette grivoiserie totalement déplacée de l'auteur: caricature-t-il Ovide comme un toxicomane ou comme un sexopathe? Dans les deux cas, rien ne justifie pareille affirmation.

Le pire est atteint au chapitre 7 où Hillman prétend trouver dans l'usage de drogues la source d'inspiration des principaux courants philosophiques grecs... Epiménide, Pythagore, Empédocle sont ainsi passés en revue, chacun étant considéré comme incapable de tout raisonnement profond sans prise concomitante de toxique psycho-actif... L'auteur ne prend jamais de recul dans les données biographiques ou les anecdotes entourant ces individus, et ses affirmations restent superfétatoires, quand il ne s'agit pas parfois de véritable simplisme: "Without the pre-Socratic philosophers, there would never have been Socrates; and without Socrates, Plato would never have written dialogues, or established the Academy, or even influenced Aristotle" (page 174)...

Lorsque, page 179, l'auteur en appelle à une analyse critique des pré-Socratiques ("Any critical examination of early Greek philosophers, especially the pre-Socratics, will show that drugs indeed played a foundational role in the history of Western intellectual pursuits"), on se demande pourquoi Hillman ne s'est pas chargé de ce travail et pourquoi cet esprit critique manque complètement aux nombreuses pages qui forment cet ouvrage.

Simplisme et fiel, à nouveau, émaillent le 8ème et (heureusement) dernier chapitre de ce trop long livre. Tout commence par une vision brillant par son idyllisme archaïque de la démocratie athénienne, et par le totalitarisme forcené lacédémonien: "Athenian democracy didn't spring up overnight; protecting the poor and underprivileged is never an easy or rapidly accepted idea" (page 182), "Sparta was the ancient world's most glaring example of the horrible abuses inherent in totalitarian rule" (page 204)... Suivent à nouveau des piques incessantes vis-à-vis des universitaires et notamment des classicistes: "Scholars, especially Classicists, are quick to disassociate the personalities of great poets from the content of their works (...). This aloof, presumptive, arrogant, and wrongheaded formalist approach to literature fails to hold up when we look at drug references in our sources" (page 198). C'est amusant; toutes les critiques qu'il eût été légitime de porter sur le travail de Hillman, celui-ci les assène sur ceux qui représentent la rigueur et l'intégrité universitaire. Il continue à l'occasion d'une explication pharmacologique des Mystères d'Eleusis (page 208): "Professors of Greek and Latin (...) obviously don't like to admit that Greek authors such as Sophocles and Pindar, who openly praised the Mysteries, were indirectly also endorsing drug use".

La véritable nature de cet ouvrage (subversif?) ne se révèle que dans la conclusion, avec de très nettes dérives politiques.

Outre les dérives stylistiques de plus en plus insupportables ("The history of the West is not a spaghetti western, full of good guys and bad guys fittingly dressed in black and white": page 213; "Plato, Julius Caesar, and Jesus did not view drugs as the menace as they are looked on today": page 221), Hillman se lance dans un véritable réquisitoire sur la liberté perdue de la consommation de produits stupéfiants. On comprend sans peine que dans son parallèle incessant entre la situation qu'il rêve du passé et l'interdiction actuelle quasi-universelle, l'auteur esquisse le souhait d'une dépénalisation de l'usage de drogues. Quelles que soient les convictions de l'auteur et de ses hypothétiques lecteurs, de telles choses n'ont absolument pas leur place dans un ouvrage qui se prétend universitaire.

Simplisme encore lorsqu'il écrit: "Many people think that the Greeks and Romans spent all of their time embellishing their myths and expounding upon their philosophies" (page 218). Eh bien non! Je crois que personne d'autre qu'Hillman n'oserait écrire pareille fadaise...

Fantasme, quelques lignes plus loin: "The potential for medical discoveries alone is phenomenal; the next treatment of diabetes or senile dementia may be hiding in the texts that Classicists are currently unwilling to examine and explore" (page 218) ... en partie fondé sur une absence complète de compréhension des termes médicaux, notamment lorsqu'il relate: "For example, is there any merit to Galen's assertion that tumors of the breast are easily cured?" (page 219). Dans le cas présent, Hillman n'a pas du tout saisi le sens très général de tumeur, qui recouvre autant une inflammation qu'une lésion bénigne, un kyste ou un véritable cancer... Sur de mauvaises bases, on ne peut rien construire de valable.

Et l'ouvrage se conclut avec la même aigreur de fiel que celle des 8 chapitres, finissant de gâcher ce livre au titre accrocheur et au contenu inutile: "Unfortunately, the moral bent that so characterizes contemporary Classicists forces them to write histories that best promote the cultural agendas of our times, rather than the actual facts of the past. This approach to scholarship is dangerous because it hides some of the most valuable lessons of history. In addition, students who do not subscribe to this approach are generally ignored, passed over, or pushed to the periphery of their fields, where they are considered troublemakers and treated as pariahs. Blacklisting is not a cruelty of the distant, uninformed past; it's a very real phenomenon that flourishes within academic circles today, whether in the humanities or the sciences" (page 222).

On comprendra donc qu'à l'issue de ce commentaire, nous ne recommandons pas l'achat de cet ouvrage, ni à titre privé, ni dans le cadre d'une institution. La bibliographie, brillant par sa pauvreté, ne justifie pas même sa consultation. Enfin, la lecture de cet ouvrage se révèle particulièrement éreintante, le lecteur étant sans cesse freiné par les inexactitudes et les remarques noyées d'aigreur ponctuant chacune des 243 pages...

6 comments:

  1. I have two questions:

    What are the weakest positions of the book?

    Why are those positions weak?

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  2. Malgré l’accumulation des points examinés, la critique de P. Charlier me semble superficielle et plutôt portée aux effets de manche. L’essentiel n’est pas examiné, l’envie de « river le clou au blanc bec » transparaît. Ainsi lorsque P. Charlier pose la question à propos de Hillman « …mais n'oublie-t-il pas la notion de dose, de quantité suffisante pour l'apparition des symptômes ? » , il ne lit tout simplement pas les paragraphes par lesquels Hillman, à plusieurs reprises, aborde explicitement ce thème (voir, par exemple, la citation de Theophraste, p.60).

    L’ouvrage de Hillman, montre que les textes grecs et romains font bien plus références aux effets psychiques de certaines plantes que la tradition des études classiques ne semble l’avoir jusqu’ici remarqué. Sur ce point, le mérite de l’ouvrage est évident ! P. Charlier critique à contre-sens du texte : Hillman montre que la notion de toxicomanie n’existe pas dans l’antiquité; l’usage des drogues psychiques y est une pratique normale, et seulement condamnée lorsqu’elle est utilisée comme arme avec l’intention de tuer. Affirmer dès le départ, comme le fait Charlier, que la thèse est excessive est une manœuvre de « vaccine » : c’est reconnaître que quelques points pourraient être acceptés du moment que l’essentiel des idées reçues reste intact. Selon Charlier, la thèse est excessive car ,je le cite, « on ne peut transformer aussi facilement une civilisation en une population de toxicomane ». Cette affirmation est par trop générale, constatons l’usage de neuroleptique dans la population française, ceux-ci sont intégrés et nécessaires au mode de vie. Par ailleurs, P. Charlier oppose a priori civilisation et usage de drogues ce qui est justement l’a priori normatif que Hillman entend démonter en relevant dans les textes classiques de nombreuses références à l’usage de substances ayant des effets sur le psychisme. Bref, The Chemical Muse est un livre important; certains, comme le conseille P. Charlier en condamneront la lecture et d’autres, en sens inverse, lui feront dire n’importe quoi.

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  3. The weaknesses of the book are twofold:

    It was published by a commerical press, not a scholarly one. It was not peer reviewed, which means it was not modified or revised.

    It appears to be two chapters of the author's doctoral thesis, allegedly removed at the insistence of his committee, considerably stretched out into a book format. There is much rhetoric and padding. As the review in Publisher's Weekly said the prose is "tiresomely polemical" and it truly is.

    What I do not understand is why the author did not:

    (a) rewrite his entire disseration as a monograph and simply reinsert the chapters his committee forced him to remove, then submit it to a scholarly press for peer review,

    or

    (b) rewrite the excised chapters as one or two scholarly articles and submit them to a peer-reviewed journal.

    The approach taken - highly rhetorial and polemical, commecial publisher (who did the author no favor with that truly ghastly cover), a largely unscholarly format - does a disservice to the topic of pharmacy in antiquity, a subject that is still ripe for scholarly investigation.

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  4. (From Belgium )

    I agree, the book is overly polemical on the subject “drugs' liberty democracy”, but “academic” and democracy begans to be a problem. In Plato’s pharmacy, Derrida take for granted an obscure and “false” ethymology of pharmakon .What are they waiting for, in the “ humanities” not to cope with a reevaluation of Pharmakon’s Derrida but make D. C. A. Hillman their pharmakos?


    ……..

    Derrida et l’opium :


    En 1972, Derrida explore l’étymologie de « pharmakon » (p.398) par une note assez longue laquelle se borne à souligner «pharma » pour frapper (coup) < bher (frapper) ce qui renverrait au pharmakos, c'est-à-dire le bouc émissaire sur les testicules duquel des coups étaient frappés, cette interprétation serait confortée par le lituanien « burin » (homme magique). Aujourd’hui, nous comprendrons que la relation au pavot est directe et se tient, en permanence à l’arrière-plan de la pensée pharmaceutique de Platon, toutefois il nous faut prendre en considération que Socrate était déjà coupé des affects ayant, dans les siècles précédant, participé à l’élaboration du mot : l’étymologie de pharmakon est inconnue des Grecs.


    « Opion » est le le terme grec pour « opium », il a pour référent le liquide exsudant des têtes de pavot incisées, l’interprétant passe par l’idée de « jus » laquelle portée par la vieille racine indo-européenne *sokw-o . Initialement, les Grecs n’ont pas d’interprétant Pour « makon » ; la forme phonétique « makon » est un emprunt, elle sonne à vide ne renvoie pas à une chaîne sémantique, mais seulement à un référent « pavot ». Curieusement, alors qu’il l’avait sous la main, Derrida évacue le référent pavot et opium de sa discussion du Pharmakon. L’entreprise de Derrida était en effet suffisamment risquée pour qu’il évitât d’interroger la proximité de « mekon/makon », dans « pharmakon », c'est-à-dire le nom du « pavot » en grec classique. Un dictionnaire de 1820 l’eut aidé.

    ... Romanos sequuntur italicum Papavero, Gallorum Pavot, Anglorum Poppy, Mekion nominavit Dioscorides, Mekon Theophrastus , et plane Makon Siculus Theocritus Id. It , 5j citante Sprengelio (Gesch. der Botanik I. 30 —r ni typi sit error); Mali dixere Bo« hemi, Macko, Maczek Poloni, Mali Hungari, Magsamen,. Magen, Mohn Germani, Maan Belgae.


    Opium; historice, chemice atque pharmacologice investigatum, Christophorus Andr Christen
    Publié par Volke, 1820, Copie Numérisée de l'exemplaire Université d'Oxford

    (suite dans un second commentaire)

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  5. (suite commentaire précédent)

    En effet, les formes « mekon » et « makon » (dorique) sont connues de longue date, elles sont toutefois entièrement disparues du grec moderne, ainsi en est-il également de la diffusion d’une forme indo-européenne « maku » pour opium. Le référent est ici clairement déterminé.

    En grec, la première trace écrite du pavot apparaît chez Hésiode (huitième siècle AC) lorsqu’il déclare qu’à proximité de Corinthe située en – Makedonia -, il y avait une ville nommée Mekonê, soit -la ville du pavot - , ville ou, selon la légende, cette plante fut la première fois cultivée et les dieux séparés des hommes par « l’affaire » Prométhée.



    L’origine indo-européenne


    La forme « maku » pour « opium » est attestée dans les textes de la « vieille église slavonique ; l’aire de diffusion de la forme « mak » pour opium correspond aux langues slaves germaniques et baltiques, mais aussi à l’Arménien « Megon,Megoni » - ce point pourrait être important-. À défaut d’y voir clair, les linguistes postulent l’existence d’une racine indo-européenne *ma˘q - , et ayant appartenu à une langue aujourd’hui disparue : le procédé consistant à mettre une « petite étoile devant » est usuel autant que décoratif, mais très court ! Deux autres hypothèses peuvent être proposées.


    L’origine « ouralo-altaïque »


    Fred Hamory – linguiste assez marginal – propose une racine ouralo-altaïque : *munke (graine semence (celtique « mac /fils de) ; l’idée est intéressante en raison de l’abondance des graines contenue dans la tête de pavot, mais peu probante en raison de la géographie historique du pavot.



    Matériaux pour l’origine « macédonienne»

    La culture du pavot est attestée dès le néolithique en Suisse en Autriche en Écosse, pour ce qui est du néolithique grec et balkanique les données sont encore contradictoires Valamoti (2004) signale la présence du pavot en Macédoine, alors que Kreuzl (et alii) repère une absence dans les Balkans.

    Quelques références archéologiques.

    NEOLITHIC ZOOMORPHIC VESSELS FROM EASTERN MACEDONIA, GREECE: ISSUES OF FUNCTION* C. MARANGOU 1 and B. STERN 2

    http://www3.interscience.wiley.com/journal/120119782/abstract?CRETRY=1&SRETRY=0
    Opium poppy (Papaver somniferum L.) was found at Neolithic Mandalo and. Makriyalos in central and western Macedonia (Valamoti 2004, 32, 133, 175 table 3).

    Vegetation History and Archaeobotany, 2005, 14 (3)
    10.1007/s00334-005-0080-0 A comparison of early Neolithic crop and weed assemblages from the
    Linearbandkeramik and the Bulgarian Neolithic cultures: differences and similarities
    Angela Kreuz1􀀍, Elena Marinova2, Eva Schäfer1 and Julian Wiethold1



    Une première constatation s’impose : un groupe de langues apparenté à l’Arménien se distingue par l’utilisation d’une racine « mak » pour désigner le pavot.

    Arménien: Megon, Megoni Good, Mekon, Mekoni Kut / Bulgare:Градински мак, Маково семе, Опиев мак, Gradinski Mak, Makovo Seme, OpievMak /Croate:Mak /Tchèque:Mák / Estonien: Magun, Moon, Unimagun / Germanique:Ölmohn, Gartenmohn, Mohn, Opiummohn, Schlafmohn / Hongrois:Kerti Mák, Mák / Latvien:Magone / Polonais:Mak Lekarski / Russe:Мак снотворный, Опийный мак, Mak Snotvornyj, Opijnyj Mak / Slovéne:Mak, Mak Siaty / Ukrainien:М'ак снодійний, Mak Snodìjnij, Mak Snodijnyj.

    En français : l’argotique “maké ” – calmé, assommé ( par l’opium) –

    Jean-Luce Morlie

    jeanlucemorlie@hotmail.com

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  6. This comment is to place before the former one, (regards from Belgium)

    In Plato’s pharmacy, Derrida take for granted an obscure and “false” ethymology of "pharmakon", is D. C. A. Hillman a "pharmakos".


    Derrida et l’opium :


    En 1972, Derrida explore l’étymologie de « pharmakon » (p.398) par une note assez longue laquelle se borne à souligner «pharma » pour frapper (coup) < bher (frapper) ce qui renverrait au pharmakos, c'est-à-dire le bouc émissaire sur les testicules duquel des coups étaient frappés, cette interprétation serait confortée par le lituanien « burin » (homme magique). Aujourd’hui, nous comprendrons que la relation au pavot est directe et se tient, en permanence à l’arrière-plan de la pensée pharmaceutique de Platon, toutefois il nous faut prendre en considération que Socrate était déjà coupé des affects ayant, dans les siècles précédant, participé à l’élaboration du mot : l’étymologie de pharmakon est inconnue des Grecs.


    « Opion » est le le terme grec pour « opium », il a pour référent le liquide exsudant des têtes de pavot incisées, l’interprétant passe par l’idée de « jus » laquelle portée par la vieille racine indo-européenne *sokw-o . Initialement, les Grecs n’ont pas d’interprétant Pour « makon » ; la forme phonétique « makon » est un emprunt, elle sonne à vide ne renvoie pas à une chaîne sémantique, mais seulement à un référent « pavot ». Curieusement, alors qu’il l’avait sous la main, Derrida évacue le référent pavot et opium de sa discussion du Pharmakon. L’entreprise de Derrida était en effet suffisamment risquée pour qu’il évitât d’interroger la proximité de « mekon/makon », dans « pharmakon », c'est-à-dire le nom du « pavot » en grec classique. Un dictionnaire de 1820 l’eut aidé.

    ... Romanos sequuntur italicum Papavero, Gallorum Pavot, Anglorum Poppy, Mekion nominavit Dioscorides, Mekon Theophrastus , et plane Makon Siculus Theocritus Id. It , 5j citante Sprengelio (Gesch. der Botanik I. 30 —r ni typi sit error); Mali dixere Bo« hemi, Macko, Maczek Poloni, Mali Hungari, Magsamen,. Magen, Mohn Germani, Maan Belgae.


    Opium; historice, chemice atque pharmacologice investigatum, Christophorus Andr Christen
    Publié par Volke, 1820, Copie Numérisée de l'exemplaire Université d'Oxford

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